Made in Québec

par BN

Made in Québec

Disons-le tout de suite, le premier charme de Sors de ce corps  (en dehors de sa couverture, très réussie), c’est l’irrésistible « jargon » de Montréal, dont voici un florilège :

– Le gros Jeff, m’en câlisse de qu’y pense !
– Cet hostie de nègre-là a complètement dominé le combat.
– Grandis, calvaire !
– Je passe la moitié de mon hostie de vie à enlever pis à remettre mes bottes !
– J’ai la gorge sèche en sacrament !
– … tailler ses hosties de rosiers…
– J’aime mon chum !
– Hostie que t’es conne !
– On n’est pas niaiseuses !
– Je me suis fait chanter la pomme par la belle Nancy.
Etc.

Le lecteur le moins attentif aura remarqué les nombreuses occurrences du mot « hostie », dont le sens s’apparente à « putain ! » et dont l’origine religieuse ne doit pourtant étonner personne, car c’est du vocabulaire sacré que proviennent en général les jurons chez nos amis québecquois…
Ce petit cours de linguistique terminé, intéressons-nous au contenu de ce drôle de livre. « Drôle » est une façon de parler, car en dehors du langage, tout ne porte pas à rire dans les 20 textes qui composent ce recueil, dont la nouvelle éponyme (Sors de ce corps, Raymond Carver !) nous donne plus ou moins la clé : c’est bien dans un univers « carvérien » que nous pénétrons et ce n’est pas un mince compliment pour l’auteur car nul n’ignore que l’écrivain américain est considéré comme l’un des plus grands nouvellistes modernes. On lui attribue « un dépouillement qui concentre le récit sur les traits les plus saillants des personnages et de l’histoire qui leur arrive, dans une langue élégante malgré sa familiarité et sa simplicité. [1] » On loue son « réalisme et [son] souci de transcrire la vie des gens les plus modestes, issus des classes moyennes ou populaires et confrontés à des drames ordinaires. [2] » On pourrait en dire autant de François Leblanc et quand on sait qu’il s’agit de son premier recueil de nouvelles (après 3 romans, quand même !), on en reste pantois.
Pour ma part, ma préférence va, et de loin, aux textes qui semblent ronronner dans une certaine banalité quotidienne et se terminent par une chute fulgurante de cruauté (Chainsaw Massacre), mais il y en a pour tous les goûts, depuis la presque bluette un peu triste (Welcome to Canada) jusqu’aux désopilantes histoires de losers qui ratent tout, même leur suicide (Macallan, dix ans d’âge), en passant par les effroyables drames (Blueboy) racontés de telle manière qu’on est forcé d’en rire… La liste est loin d’être exhaustive. N’hésitez pas à la compléter en lisant Sors de ce corps , qui vous réserve encore bien des surprises.

François LEBLANC, Sors de ce corps , Éditions Tryptique, 192 p.

Notes

[1Origine : Wikipedia

[2Origine : Wikipedia