Il y a quelque chose dans les nouvelles de Georges Flipo qui ressemble à son patronyme. Quelque chose de vif, de bondissant, une tonalité plutôt joyeuse.
Comment ne pas sourire à l’évocation du Club Vie Intense où l’on voit des héritiers se soucier d’offrir une luxueuse et sournoise porte de sortie à leurs parents vieillissants à coups de descentes de torrent en rafting ou de parcours accrobranche ?
Comment ne pas se réjouir de la Maîtrise de la langue de Jacek, le héros polonais de la nouvelle éponyme, où les chausse-trapes tendues par la langue française font évoluer un séminaire de management à Deauville en quiproquo digne de Feydeau ?
Comment ne pas jubiler en assistant à l’oral du bac français de Jessica, spécialiste du Naturalisme chez Zola, à qui ses talents de comédienne vaudront un 20/20 historique ?
Cet aspect jubilatoire de quelques-uns des quatorze textes présentés ici ne doit pas faire oublier une tonalité parfois plus sombre. Même si l’auteur a l’art de la masquer d’un voile plus gai, la gravité est là, en embuscade. Avec Georges Flipo, il est aussi question de solitude, de différences sociales, d’exclusion. Rien n’y est tout simple, ni la famille, ni le travail, ni les sentiments, ni la jeunesse, ni la vieillesse. L’amour, l’amitié, la solidarité n’y durent pas forcément toute une vie. Nous sommes tout à la fois « tous ensemble » sur cette terre « mais sans plus ».
Pourtant, une ivresse passagère peut tout sauver d’un trait de plume comme dans cette scène drôle et poétique qui clôt Sainte Pauline des Tandas où l’on voit l’héroïne un peu « pompette » prendre un apprenti boulanger pour un ange vêtu de blanc au détour d’une rue au bout de la nuit.