RESEAU DE LA NOUVELLE et des formes courtes

Mimi Haddouf – Éclats de femmes sur le rivage L’Harmattan 2021

par Brigitte Niquet

C’est un peu par hasard que nous publions en même temps une nouvelle de Mimi Haddouf (Exil) et une chronique de son dernier livre (Éclats de femmes sur le rivage). Disons que le hasard fait bien les choses puisqu’il nous permet ainsi de valoriser le travail de cet auteur qui, après la poésie, le théâtre et le cinéma, s’attaque maintenant au redoutable bastion qu’est un recueil de nouvelles.
La première de ces nouvelles, Maria, donne le ton, avec juste ce qu’il faut de passion, d’indignation, de révolte sourde pour prendre le lecteur à la gorge sans jamais le lasser. Pourtant, en premier plan ou en arrière-plan, il n’y a qu’un sujet : les violences faites aux femmes, dans un pays où celles-ci ne sont rien et où tout est prétexte à les rabaisser, les humilier, voire à les détruire. Maria n’a pas su donner un héritier mâle à son mari ? Que meure l’enfant dont la seule faute est d’être née fille. Aislin, violée à onze ans par « des bêtes carnassières, des hyènes lâches et abjectes », ne trouve pas sa place dans une société machiste qui d’ailleurs l’ignore et la méprise ? Elle n’a qu’à se soumettre, se taire et rentrer dans le rang. Eva est un peu moins mal lotie, mais c’est parce qu’elle possède « la fascinante faculté de se dédoubler, [...] ne permettant [à son mari] l’accès qu’à un fragment d’elle-même, le plus insignifiant ». Et ainsi de suite…
Ce livre, on s’en doute, est d’une grande violence et serait sans doute insupportable si quelques lueurs d’espoir ne venaient l’éclairer. Or, contre toute attente, beaucoup des nouvelles finissent sur cette lueur. Faziza la tourmentée finit par rencontrer un homme bon qui sait l’apaiser, « un être dont l’humanité la réconcilie définitivement avec elle-même ». Iris la désespérée, faute de mieux, s’évade par le rêve : « Comme j’aurais aimé être un garçon », soupire-t-elle. Et Veia fait mieux : elle s’évade par l’écriture : « Elle écrit désormais sur les pierres les mots qui s’imposent à elle. […] Elle écrit au bord de l’abîme, et les mots s’élancent pour tournoyer inlassablement comme autant de souffles qui résistent, […] de fragments d’espérance. C’est le triomphe des mots vivants … C’est le triomphe de la vie. » Que dire de plus ?