Maud Tabachnik – Dans l’ombre du monde – Flammarion (2012) – 210 p. – 13€

par BN

Les amateurs de littérature noire savent que Maud Tabachnik aime « regarder le diable en face » [1] et même « danser avec le diable » [2] . Ils ne seront donc pas étonnés de découvrir que son œuvre, prolifique en romans, est riche aussi de quelques recueils de nouvelles dont celui-ci, le dernier en date, s’inscrit dans la droite ligne des deux titres précédemment cités et de quelques autres. C’est la part d’ombre que recèle chacun d’entre nous, quelle que soit la latitude sous laquelle il vit, que cet auteur a choisi d’explorer, et de « gouffre noir » en « nuée funèbre » en passant par les « ténèbres démoniaques », on ne verra pas beaucoup le soleil entre les pages de ce livre. Pourtant, certains disent qu’il brille de tous ses feux en Égypte, en Palestine ou au Rwanda, mais les humains sont bien trop occupés à s’y haïr et s’y entretuer pour s’en apercevoir.
Ce n’est pourtant pas dans la description des barbaries qui ensanglantent ces pays exotiques que Maud Tabachnik nous a semblé la plus convaincante. Nul n’ignore, en effet, les excisions dont sont victimes les jeunes Africaines, les drames de l’Intifada, les rivalités fratricides qui opposèrent les Hutus aux Tutsis. On se rassure en se disant que c’est loin, que « ces gens » ne sont pas comme nous, que notre statut de pays « civilisés » nous protège de ces horreurs. Mais quand cela se passe chez nous, près de nous, chez des personnes apparemment bien tranquilles qui se transforment tout à coup en bêtes sauvages à la faveur d’une rivalité entre bandes ou d’une simple querelle conjugale, c’est là qu’on a froid dans le dos, c’est là qu’on côtoie le gouffre. Et c’est avec soulagement qu’on découvre que l’avant-dernière nouvelle, No right zone, connaît un happy end inattendu après avoir laissé craindre le pire, et que le dernier texte, Vie conjugale, clôt le recueil sur le mode de l’humour, noir certes, mais de l’humour quand même. Un peu de légèreté dans un monde de brutes…

Notes

[1j’ai regardé le diable en face – Albin Michel – 2005

[2Danser avec le diable – Flammarion – 2015