RESEAU DE LA NOUVELLE et des formes courtes

Aimer de vivre, Jean‑Claude Leroy, éditions Lunatique, 98 pages, 10 €.

par Nathalie Barrié

Avec Aimer de vivre, Jean-Claude Leroy, prix « Loin du marketing » 2016, signe un ouvrage inclassable, singulier, enivrant. De La visite onirique à Petite fumée, apothéose érotique de ce voyage de l’intime, en passant par La neige d’un seul hiver aux accents de conte intemporel, l’auteur amoureux cisèle des portraits de femmes affolantes (une, voire deux par nouvelle) qu’un amant éperdu de passion n’en finit pas d’observer et d’explorer. Mais la trame de base importe peu, car c’est l’écriture, le tissage, le vêtement qui compte, et ce qu’en fait l’artiste : un hommage rendu au corps et à l’esprit de ces femmes, à leur essence et à leur individualité ; à une pleine humanité que des jeux amoureux, ni monotones ni vulgaires, viennent mettre en relief. C’est souvent, pas toujours d’ailleurs, l’amant qui prend les devants, lequel se montre brièvement timide, puis tout à fait à la hauteur, plein d’ardeur et d’inventivité, initiateur mais non dominateur, et tient les rênes du récit avec une maestria qui laisse pantois.

Il est fort rare de réussir à écrire quelque chose de profondément original avec une telle justesse et une égale audace sur la chair, sur l’amour et sur sa richesse, ses nuances, sa sensualité et ses excès, car n’est‑il pas, par nature, excessif ? Et l’on sait gré à l’auteur de nous ouvrir les portes d’une littérature qui ne tombe jamais dans l’outrage ni dans la banalité et ne prend pas de raccourcis faciles mais, tout à l’inverse, parvient à se tenir en équilibre sur le fougueux coursier des sens et à s’en tirer en beauté, sans une seconde de relâchement ; mieux que cela encore, avec brio et beaucoup de finesse. Funambule fascinant, traqueur d’émotions qu’il arrive à dire en proposant une partition musicale contemporaine, au ton juste, sur un thème vieux comme le monde, Jean‑Claude Leroy s’approprie la langue pour en faire de la dentelle, et sans une once de mièvrerie, nous la jette au visage pour réveiller l’amoureux et le lecteur passionné qui sommeillent en nous. On en ressort humble, subjugué, chancelant.