Amis imparfaits de Serge Cazenave-Sarkis

par Marc Legrand

Publié chez l’Abat-Jour, éditeur mettant à l’honneur une littérature exigeante et atypique, Amis imparfaits est un recueil de nouvelles noires ne dérogeant pas à la règle et qui, sorti il y a déjà six ans, n’a pas pris la moindre ride.
En quatorze textes de belle facture, servis par une écriture travaillée, incisive, efficace et sans fioritures, Serge Cazenave-Sarkis oscille, sans jamais nous perdre, entre polar, thriller et drame, sur fond de trahisons, de crimes inqualifiables et de faux-semblants capables de surprendre le lecteur le plus perspicace.
D’ironie tragique en humour noir, de hasards funestes en retournements de situation, l’auteur dresse une riche galerie de portraits plus vrais que nature où se côtoie, parfois en la même âme, ce que l’espèce humaine peut offrir de meilleur et de pire.
Noirceur et mélancolie, amitiés indéfectibles ou meurtries, promesses d’amour parfois déçues, douleurs de l’abandon ou de l’absence, familles de dingues ou brisées par leur époque, les morts pleuvent, les têtes roulent et les masques tombent. Bref, il y en a pour tous les goûts.
Mention spéciale pour des textes comme La chaussette, L’épi, J’ai tué Clovis, Fleur Bleu Nuit, La Domi, peut-être le plus émouvant et dont il existe une version audio que je vous invite à découvrir, ou encore Une habitude.

Bémol, par contre, avec Papy V. et Le chapon, nouvelles qui revisitent, sous couvert de fausses fictions, et l’affaire Paul Voise, dit Papy Voise, en 2002, et la « tuerie de Nantes », en 2011, où périrent cinq membres de la famille de Xavier Dupont de Ligonnès au cours d’un massacre non-élucidé à ce jour.
Dans le premier texte, Serge Cazenave-Sarkis fait ni plus ni moins de Paul Voise, en prenant la précaution juridique et fort peu honnête de ne pas le nommer, un mythomane et un probable pédophile amateur d’enfants d’origine immigrée. Rien moins.
À l’occasion de la nouvelle Le Chapon, l’auteur récidive et brode dans tous les sens sur Xavier Dupont de Ligonnès, à un point tel que cela en devient choquant.
Dommage que Serge Cazenave-Sarkis troque ici l’habit d’écrivain pour ceux de juge, juré et bourreau omniscients, sans aucun recul ni pudeur, et sans jamais avoir au moins le courage de nommer les protagonistes.
Un cas d’école, en quelque sorte, de ce qu’un auteur doit se garder de faire : à savoir sacrifier une belle plume et tout un art pour se vautrer dans le révisionnisme, la diffamation et, en un mot, la propagande.

Par chance, l’éditeur a eu le bon goût de terminer ce recueil par À la Sorbonne, récit long mais palpitant qui relève délicieusement du témoignage personnel et historique à la fois.
Du coup, l’impression finale, souvent décisive, est sauve et le lecteur achève ce recueil de qualité sur une jolie note de nostalgie dont l’espoir n’est pas absent.

Quelques liens utiles

- Présentation de l’auteur aux éditions de l’Abat-Jour :
http://www.editionsdelabatjour.com/...

- Site officiel de Serge Cazenave-Sarkis :
http://sergecazenave-sarkis.blogspot.com

- La Domi, en version audio : https://www.youtube.com/watch?v=8f2...