RESEAU DE LA NOUVELLE et des formes courtes

Fabien Maréchal – Plus personne pour aujourd’hui – novella Editions Le Réalgar - 1er trimestre 2022

par Brigitte Niquet

Fabien Maréchal n’est pas un inconnu pour nos lecteurs, nous apprécions depuis longtemps ce qu’il écrit et avons déjà chroniqué par le passé deux de ses ouvrages, dont l’excellent Dernier avis avant démolition. Le voilà de retour avec une novella et un changement radical de ton et de sujet. L’on ne sait s’il s’agit d’une autofiction à la Annie Ernaux (Passion simple, par exemple) ou d’une construction mentale sans rapport avec la vie réelle de l’auteur. On souhaite à celui-ci que la deuxième hypothèse soit la bonne. Pour faire court, il s’agit de la mort d’un enfant (fils du narrateur) et de sa mère (compagne de ce dernier) dans un accident d’avion. Deux ans plus tard, le père, resté « seul au monde », ne s’en est toujours pas remis et il raconte, par bribes, sa longue descente aux enfers, ses tentatives pour en remonter, ses échecs répétés, son incompréhension devant le discours de ceux qui lui conseillent de « vivre avec » alors que lui doit avant tout accepter de « vivre sans »…
Le thème n’est pas nouveau, hélas, mais la manière de l’aborder, si. Dès la première ligne, alors qu’on s’attend au pronom « je », c’est le « tu » qui déboule : « Tu t’attendais à ce qu’ils te la posent, cette question ». C’est bien le père qui parle mais il s’adresse à une sorte de double de lui-même, qu’il apostrophera d’un bout à l’autre du livre avec ce même « tu ». Surprenant au début, le procédé a l’avantage de tenir un peu l’émotion à distance, ce qui n’est pas du luxe.
Ainsi averti, le lecteur potentiel n’a plus qu’à faire son choix : juger qu’ingurgiter 70 pages sur un tel sujet quand rien ne vous y oblige est suicidaire et s’enfuir à toutes jambes, ou s’estimer suffisamment bien armé pour tenir le coup et faire confiance à l’auteur, ce qui permettra d’apprécier la beauté et la richesse de son écriture. Pour ma part, je n’ai pas hésité… mais je fais partie des privilégiés qui n’ont pas perdu d’enfant.