Grenailles errantes – Bruno Marée éditions Quadrature 2021

par Brigitte Niquet

Curieux titre. Curieux livre aussi, mais qui s’inscrit dans une démarche bien sympathique : Quadrature met un point d’honneur à ne publier que des nouvelles. Option assez rare (et risquée) pour être soulignée.
Voyons d’abord ce qui justifie le titre, aussi original que mystérieux. Il paraît qu’un jour ou l’autre, nous sommes tous des grenailles errantes. Qu’est-ce à dire ? Ne comptons pas sur la belle citation de Nietzsche mise en exergue pour nous éclairer, elle suscite notre admiration plus que notre compréhension.
Reprenons les choses dans l’ordre. La première nouvelle, La salle d’attente, nous narre les mésaventures d’un malheureux péquenot, coincé dans une salle d’attente bondée qu’un gamin odieux s’applique à rendre encore plus inhospitalière si possible. Et voilà qu’une panne de courant achève de semer la panique. Tout pète, grenailles comprises !
Bon, l’horizon s’éclaircit, l’on comprend à quoi s’apparentent les fameuses grenailles : à tout ce qui nous pourrit la vie et nous empêche de profiter de celle-ci. Par exemple dans La parenthèse, une jeune femme mal mariée largue le temps d’un week-end mari et enfants pour s’enfuir avec des auto-stoppeurs mélomanes. Barnabé, La rivière et quelques autres, textes drôles pour les uns mais cruels pour certains, viennent enrichir la panoplie des enquiquineurs sans qui la vie pourrait être si douce…
Tout cela relève assez souvent de la gaudriole, mais quelques notes plus tristes, plus nostalgiques viennent bercer le lecteur, comme dans le très réussi Second de cordée, où se brise un peu par hasard une amitié qui n’a peut-être au fond jamais existé. On en revient vite cependant à ces fameuses grenailles dont très peu savent éviter les éclats et, sur les douze nouvelles qui composent le recueil, on n’a que l’embarras du choix. Ce qui n’empêche pas de finir sur une note optimiste : après nous avoir conté les heurs et malheurs d’un gardien de musée et avoir affirmé que, malgré tout, il adore son métier, le narrateur du dernier texte, Le gardien, conclut : « Si elle veut bien de moi, je crois que je vais épouser Marie-Jeanne ». Qui est Marie-Jeanne ? La femme de ménage et bonne à tout faire du Musée, l’anti grenaille errante par excellence. Bonne à rendre un homme heureux, surtout, on l’espère.

Longue vie à Quadrature et bravo à nos amis belges. Nous attendons avec impatience les publications suivantes.