Humeurs, de Benoît Fourchard, Éditions Lunatique, 174 pages

par Nathalie Barrié

Benoît Fourchard est écrivain, dramaturge et comédien. L’entendre lire sa nouvelle Quarante-huit fois à la librairie du Merle moqueur, à l’occasion de la sortie des Meilleures nouvelles 2018 (Outlier) est une expérience que l’on n’oublie pas. Ce terrible texte, ciselé, dialogué entre un homme et une femme qui s’entredéchirent dans tous les sens du terme, produit un effet physique et psychique qui suit diverses étapes, en passant par la chair de poule jusqu’à atteindre la mémoire vive. Le recueil Humeurs lui fait la part belle, en seconde position dans le chapitre « Noirceurs », derrière Cette chère Simone, d’un réalisme non moins glaçant. L’auteur est néanmoins capable d’alterner miel et vinaigre, douceur et cruauté. Dans le chapitre « Mémoire », Ma grand-mère Dorothée, déclaration d’amour épistolaire d’un petit-fils à sa grand-mère, en est un exemple émouvant, tandis que le doux-amer Revoir Patricia met en abîme l’embellie du souvenir et la résurgence du passé dans le présent, avec son lot de désillusions. Dans le chapitre « Transhumance », notre préférence va à La Cumparsita, délicieusement musicale, au charme galant, envoûtant, légèrement suranné. Quant au chapitre « Corps », il nous réserve un quatuor organique inédit, assemblage de sécrétions, d’humeurs, de corps encombrants, rejetés, meurtris, en fuite ou en prison mais jamais à leur place, toujours en déséquilibre, exhibitions de foire ou rasant les murs et cherchant, à l’instar de Joseph Merrick, l’homme éléphant, à se fondre dans l’univers. Cette œuvre foisonnante rassemble les pièces d’un puzzle un peu fou, loufoque et terrifiant, la comédie humaine de notre temps.