RESEAU DE LA NOUVELLE et des formes courtes

Marie-Christine Quentin - Inflexions L’Harmattan 2020

par BN

Ceux qui suivent Marie-Christine Quentin au fil de ses parutions régulières n’en seront pas surpris : le recueil Inflexions, outre qu’il bénéficie en couverture d’une superbe photo « maritime » en noir et blanc, fait de nouveau la part belle, dans un premier temps, aux langueurs et rigueurs océanes. Naufrage, Un balcon sur la mer, Boulevard de l’océan, ces titres (ainsi que les citations mises en exergue) sont suffisamment évocateurs pour se passer de commentaires. L’auteure n’a pas fini d’en découdre avec l’élément liquide, si beau, si fascinant, si meurtrier aussi, et l’on pense au vers de Baudelaire : « Homme libre toujours tu chériras la mer ». Cela vaut également, bien sûr, pour les femmes libres.
À ce stade, une petite inquiétude commence pourtant à sourdre : après À fleur de sel, ouvrage entièrement consacré à l’univers marin, la narratrice va-t-elle trouver assez de souffle pour situer encore une fois une dizaine de textes dans ce même univers ? C’est là qu’avec audace elle change de cap et égrène les nouvelles suivantes au gré de ses envies, dans des contextes très différents. On y rencontre tantôt un vieux Chinois, tantôt un jeune SDF sur le pavé parisien, on verra même réapparaître Le Petit Prince, qui avait déjà fait une incursion entre les pages d’À fleur de sel et qui revient dans la nouvelle À un pas, laquelle se passe sur la Lune, où il côtoie Pierrot et Colombine. Tous trois y accueillent Neil Armstrong et le dissuadent de venir perturber leur existence. « Rentre chez toi, Neil, dit Le Petit prince. L’homme n’a rien à faire sur la Lune. […]. La Lune appartient aux poètes, aux enfants, aux amants, aux doux rêveurs… ». Et ainsi de suite. Chaque nouvelle s’insère dans un microcosme différent mais un fil rouge les relie : le rêve et la réalité s’y entremêlent inextricablement. Et la poésie baigne tout cela, tant dans les textes que dans les citations en tête de chapitre, au fil desquelles on croise Baudelaire, Rimbaud, Conrad et quelques autres, sans oublier Sénèque.
Vous voilà prévenus, lecteurs : Marie-Christine Quentin n’est pas un auteur banal. Pour l’apprécier, c’est simple : faites les premiers pas, entrez dans la danse et ensuite, laissez-vous conduire.