RESEAU DE LA NOUVELLE et des formes courtes

Marlène Deschamps – Impressions, soleil couchant – L’Harmattan 2020

(actualisé le ) par BN

Bien que ce livre soit sous-titré « Récits et nouvelles », il est difficile de le catégoriser dans un genre précis, ou même deux. La frontière est si ténue parfois entre nouvelles et textes courts en tous genres qu’il est permis de l’oublier quand l’auteur nous embarque dans son univers, ce qui est bien l’essentiel qu’on attend d’un livre.
L’opus est découpé en trois parties : « Apprentissages », « Histoires », « Méditations », les deux premières ayant bien des points communs, sauf qu’elles ne se passent pas au même moment d’une vie. Parlons d’abord d’elles, donc. Pour les nourrir, Marlène Deschamps a butiné à droite et à gauche le pollen dont elle a fait son miel et nous livre ledit miel, qui a parfois un goût très… sauvage, sans rien nous imposer, simplement en racontant, en évoquant ce qu’elle a vécu ou dont elle a été témoin, et chacun y pioche ce qu’il veut, en tire les conclusions qu’il veut. Parfois, on regrette un peu, justement, la non directivité de l’auteur : c’est un choix d’écriture comme un autre, mais on s’aperçoit que lorsque l’auteur s’engage un peu plus, comme dans Karman par exemple, on s’attache plus facilement à l’héroïne, et la conclusion « Comme ça pourrait être simple la vie des femmes » n’en a que plus d’impact. C’est vrai aussi dans Tina, dont Marlène nous conte l’histoire parce que « les dettes d’amitié sont lourdes à porter, que le temps érode la mémoire, mais creuse les culpabilités au lieu de les effacer ». Mais on en revient vite à ce qui caractérise la « patte » de l’auteur, justement, la neutralité du ton. En prime, de ci de là, on cueille, dans un texte qui n’est pas vraiment drôle pourtant (Edmond et les Parisiennes), une phrase dont on n’a pas fini de rire : « Edmond était ce qu’on appelait alors un enfant « naturel », à croire que les enfants des couples mariés étaient artificiels. » Parfois, c’est en trois pages une petite scène cruellement juste de la vie quotidienne, malicieusement croquée (Le déjeuner). Le summum est atteint dans Félix où une histoire absolument horrible nous est narrée avec un détachement total jusqu’à la dernière ligne, ce qui la rend encore plus horrible.
Mais attention, voici qu’arrive la 3e partie (intitulée Méditations), que l’on a le droit de préférer aux deux autres car la sensibilité de l’auteur et ses capacités d’empathie, un peu bridées pendant 100 pages, se déploient sur les 30 dernières. Nous vous laissons la surprise et terminerons sur un souhait : que Marlène Deschamps maintenant, dût sa pudeur en souffrir, nous écrive un livre ayant pour unique sujet ses Méditations. Elle a sûrement encore beaucoup à en dire.