Soleil froid et autres nouvelles – Yann FRÉMY – éditions Academia (www.editions-academia.be) – 110 pages – 11,50 € (disponible également en version numérique)

par BN

« Eh bien moi, c’est aux films de Verneuil que je ne comprends rien ! » (Jean-Luc Godard)
C’est Yann Frémy qui cite cette boutade assez hilarante du plus trublion de nos cinéastes, histoire sans doute de couper l’herbe sous le pied à ceux qui jugeraient ses textes abscons ou en tout cas difficiles d’accès, comme l’ont été en leur temps À bout de souffle ou Pierrot-le-fou… Les ressemblances ne s’arrêtent pas là d’ailleurs, puisque Soleil froid, comme les deux films évoqués plus haut, met en scène un couple de jeunes gens entraînés dans la spirale de la violence gratuite. À cela près que les femmes de Godard ne sont pas vraiment complices (plutôt spectatrices perplexes) de leur compagnon meurtrier, alors que chez Yann Frémy, on est plus proche de Bonnie and Clyde ou, bien sûr, du couple Florence Rey/Audry Maupin dont personne n’a oublié que, dans la « vraie vie », il défraya la chronique en 1994. C’est ce fait divers, resté en grande partie mystérieux, qui a inspiré (quoique de manière très distanciée) Yann Frémy pour Soleil froid.
Ajoutons que le texte, comme les autres nouvelles qui le suivent, est émaillé de citations littéraires avec ou sans nom d’auteur et là encore, Yann Frémy devance la critique : « L’intelligence universelle a toujours jeté ses idées naturellement. Nous sommes donc nombreux à les ramasser. » Le lecteur est prévenu : les amoureux de la littérature et de la culture en général se délecteront de débusquer au fil de chaque page ou presque Baudelaire, Stendhal, Aragon, Charles Cros, Jouve, Chateaubriand, André Breton, Musset (très belle intégration de passages de Lorenzaccio dans Le monde assassiné)… sans oublier quelques références cinématographiques (Les Damnés de Visconti, Rusty James de Francis Ford Coppola…) et picturales (Le Caravage, Matisse, Gauguin – à qui est consacré Paul et Lima – , Le Tintoret…). Les autres apprécieront moins sans doute, voire pas du tout, cet art de la citation poussé à l’extrême. Comme Francis, le héros des Déambulations de Francis, qui « raccrochait tout ce qu’il vivait à des citations », Yann Frémy y raccroche tout ce qu’il écrit. On aime… ou on déteste.
Précisons enfin qu’à de rares exceptions près, les textes (hors Soleil froid) relèvent souvent plus de la divagation poétique que de la nouvelle. Comme l’écrit l’auteur lui-même : « J’ai encore perdu mon sujet de vue ». Il arrive que le lecteur aussi. Mais cela a-t-il vraiment de l’importance ?