RESEAU DE LA NOUVELLE et des formes courtes

Un dimanche à Ville d’Avray - Dominique Barbéris - éditions arléa, 2019

(actualisé le ) par Sophie Germain

Si l’on considère que la novella est un court roman avec peu de protagonistes et un fil narratif simple, le récit de Dominique Barbéris entre parfaitement dans cette typologie. Les protagonistes ? Deux sœurs. Le milieu ? Bourgeois. Le cadre ? L’élégante, paisible, verdoyante et « bovarienne » banlieue ouest de Paris. L’atmosphère ? Le dimanche soir. Quant au fil narratif, cela pourrait être l’attente, le frisson, l’aspiration… Un fil qui s’enroule autour d’une insatisfaction rêveuse, autour de deux petites filles drapées dans le voilage de leur chambre, le front collé à la vitre, autour de deux femmes mariées à des hommes pragmatiques et - forcément - très occupés, autour de jardins gagnés par l’ombre des soirs de septembre, de trottoirs mouillés, de parcs presque vides et d’étangs mélancoliques. Autour des décennies qui vous cernent jusqu’à ce qu’une silhouette entre dans ce cercle parfait pour en briser la monotonie. Alors, cette attente, ce frisson, cette aspiration, ont soudain un corps, des mains, des cheveux rejetés en arrière, un étrange accent étranger.
Il se trouve que je suis de la même génération que l’auteure et que j’ai habité Ville d’Avray pendant plusieurs années. Ce qu’elle décrit avec une délicatesse d’orfèvre a réveillé en moi l’ennui de l’enfant sage, la passion adolescente pour les romans des sœurs Brontë, l’inquiétude de la jeune Parisienne fraîchement arrivée dans une banlieue si calme qu’elle ressemble à une province d’un siècle passé, ainsi que tout un réseau de souvenirs intimes et de désirs devenus muets à force d’avoir été secrets.
Cependant, il n’est pas nécessaire de partager une époque ou un milieu pour être sensible à la musicalité de l’ouvrage, et au rythme à la fois éphémère et persistant de la lecture.
Je ne dirai rien de plus car le charme de l’ouvrage tient dans la sensation, dans le plaisir qu’il procure, le trouble qu’il génère, la nostalgie qu’il laisse en s’évaporant.