Édito de janvier 2026

par Anne-Élisabeth Desicy Friedland

Sweet home

Faites-vous partie des heureux qui – comme Ulysse – après un long voyage, une expatriation, un déménagement forcé, ont pu rentrer dans leur port d’origine pour les fêtes ? [1] Ou êtes-vous de ceux qui sont loin de chez eux et y sont restés, souffrant en secret du manque du pays et des leurs, une fois dissipée l’ivresse d’avoir osé tenter l’aventure ? [2]
Êtes-vous parmi les « privilégiés » qui possèdent deux maisons mais risquent, si l’on en croit l’adage, d’en perdre la raison ? Ou bien êtes-vous celui qui reste et attend que les autres reviennent (le plus malheureux, d’après la chanson [3]) ?
Enfin, êtes-vous de ces nomades sans ancrage fixe, pour qui le « chez soi » se réduit à quelques objets fétiches que l’on trimballe, à un véhicule, à un pays ou même simplement à une langue de prédilection ?
« À la maison » : une expression simple, universelle, mais dont le sens se réinvente pour chacun. Ce qui la rend fascinante. Ô magie des mots !
Nous vous proposons de débuter l’année par « Immobile Home » d’Étienne Maucourant qui esquisse une fresque sociale l’air de rien, peignant par petites touches les portraits des habitants d’un terrain de camping hors saison. Pour être logée gratuitement, la protagoniste fait semblant de se rendre utile mais surtout, elle observe et écrit. D’un ton à la fois vif et doux-amer, ce texte hors du commun interroge le sens même de l’existence.
Chers amoureux des lettres, auteurs et lecteurs, quand nous lisons ou écrivons, nous sommes à la fois intensément présents et complètement ailleurs. La littérature ne serait-elle pas notre maison nomade, celle qui nous fait nous sentir partout chez nous tout en parcourant le monde ? Notre caravane.
Nous vous souhaitons de beaux voyages littéraires et une excellente année 2026.

Anne-Elisabeth Desicy Friedland, présidente

Notes

[1Référence au poème de Joachim du Bellay « Heureux qui comme Ulysse » adapté en chanson par Georges Brassens et divers artistes

[2Référence à la chanson de Michel Berger « Chanter pour ceux qui sont loin de chez eux »

[3Allusion à la chanson de Claude François « Celui qui reste »