Le cap

mardi 17 mars 2020 par Laure Pelbois

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Il y a des matins, comme ça, où on peine à se lever. On traîne au lit, on peine à s’en arracher puis on se traîne : aux toilettes, à la salle de bains, à la cuisine. Il y a des matins, comme ça, où s’habiller prend des allures d’exploit, où enfiler une simple paire de chaussettes est un véritable fait d’arme. On cherche ses lunettes partout – en vain. La brosse à cheveux semble s’être évaporée, on se demande où a bien pu passer son manteau, on peste, on accuse les voisins, le mauvais œil, la mécanique quantique, le réchauffement climatique – au choix. Quelque chose gêne, quelque chose freine, ça n’avance pas. Ce matin-là, Estelle patinait dans la rémoulade – comme en ces rêves affreux où un gangster, un fantôme, un tueur en série ou toute autre entité néfaste vous pourchasse et où vous vous enfuyez vainement de toutes vos forces, vous épuisant en un insupportable surplace dont un bond soudain dans les airs vous délivre un court instant : c’était exaspérant et, pour tout dire, angoissant. Il allait pourtant bien falloir qu’elle sorte pour faire enfin quelques achats et démarches qu’elle remettait sans cesse à plus tard.

Ayant soufflé un grand coup, de ce genre de souffle qu’on pousse, cœur battant, avant un oral d’examen, un entretien d’embauche, avant de sauter à l’élastique, avant tout autre événement critique, ayant inspiré par le ventre aussi amplement que possible selon une technique anti-stress récemment acquise, ayant expiré profond, chassé jusqu’au dernier millimètre cube d’air des alvéoles de ses bronches, Estelle enfila sa veste de mi-saison, inséra ses pieds dans ses chaussures, saisit son cabas et, ayant ouvert la porte, se rua dans la cage d’escalier. « ça y est, songea-t-elle, me voilà enfin sortie ! ». Une bruine légère mais froide sur fond de grisaille l’accueillit dehors, accusant sans ambiguïté l’arrivée de l’automne.

Il y a des jours, comme ça, où tout paraît insurmontable. Ce sont les fameux jours où la tartine du matin tombe sur la face beurrée, où un colis suspect interrompt votre RER dans sa course et où vous vous retrouvez captif une heure durant dans une rame surpeuplée, où acheter une vulgaire baguette vous donne l’impression de gravir l’Everest. S’étant enfin extraite de chez elle, Estelle se rendit d’abord à la poste, où elle devait se procurer des timbres. « J’en voudrais sept carnets, s’il-vous-plaît, et de collection, s’il y en a. » « Pourriez-vous… ». Et voici qu’avant d’avoir terminé sa phrase, elle s’avisa qu’elle avait laissé une casserole d’eau en train de bouillir sur la gazinière : son sang fit en accéléré le tour de son organisme, en raison de quoi ses joues virèrent à l’écarlate avant de blêmir sans transition, les paumes de ses mains se mirent à suer et, sans même prendre le temps de saluer l’employé qui s’affairait pour elle, elle tourna les talons, s’élança dans la rue et courut comme une dératée avec des images plein la tête d’immeubles en flammes et de camions de pompiers arrivant en trombe toutes sirènes hurlantes.

Depuis plusieurs semaines, peut-être quelques mois, Estelle avait souvent la larme à l’œil, le sanglot facile, pour tout, pour rien. Souvent nerveuse, se sentant anormalement fragile, elle croyait par moments sentir le monde vaciller sous ses pieds, avait la pénible impression de se trouver à la charnière de plaques tectoniques en travail. Elle éprouvait une sorte de mal de mer lorsqu’elle songeait – trop souvent – à sa condition incertaine de frêle esquif embarqué sans retour et flottant sans boussole au gré des courants comme un inconsistant bouchon de liège à la surface de l’océan du monde. Où se rendait-elle de la sorte et dans quel but ? Comment se faisait-il qu’elle se trouvât là, et pourquoi elle, précisément ? Et que lui était-il permis d’espérer ?

De retour chez elle, Estelle éteignit le feu sous la casserole de pâtes carbonisées et s’avachit sur une chaise. Ayant déroulé une interminable litanie intérieure de « Mais où ai-je donc la tête ? », elle se traita de gourde, d’empotée, de looseuse pathologique et son regard se perdit dans le vide dans une zone indéterminée située quelque part entre le réfrigérateur et la poubelle puis, tandis que ses lèvres se mirent à trembler, une larme roula sur sa joue. Elle resta ainsi prostrée pendant un temps indéfinissable, comme pétrifiée, puis, allez-savoir sous l’effet de quel indécelable ressort enfoui dans le tréfonds le plus secret de son être, l’énergie de se relever lui vint et elle put à nouveau sortir de chez elle.

Le pas pesant, elle semblait lestée de plomb en arrivant chez « Cap 2018 », boutique de photocopies, d’impressions et reliures qui vendait aussi des faire-part et des tirages de photographies.
— Il me faudrait des cartons rectangulaires au format A5 ou A6, en papier épais glacé.
— Pour un enterrement ? demanda le vendeur, déduisant la circonstance de la mine défaite d’Estelle.
— Non. Enfin… Encore que… Je ne sais pas, je ne sais plus…
Le vendeur, perplexe, la dévisagea dans un silence interrogateur. Il la trouvait plutôt jolie. Elle avait les traits fins, le visage agréablement dessiné. Il ne savait quel âge lui donner : elle semblait jeune encore, mais des cernes assez creusés et des paupières légèrement gonflées lui faisaient un air fatigué.
— Je les voudrais en couleur, ajouta-t-elle.
— Quelle couleur ?
— Rose…
— Ah ! C’est donc une fille ? Toutes mes félicitations, Madame ! lui renvoya le commerçant, fier d’avoir enfin compris la situation.
Et de poursuivre :
— Les premiers temps sont toujours fatigants, n’est-ce pas ? Toutes ces nuits sans sommeil… J’ai connu ça, moi aussi.
— Non, aucun rapport.
Le regard d’Estelle, empreint de nostalgie, se perdit à nouveau dans le vague. Il s’y lisait de l’angoisse et de la tristesse.
— Donnez-m’en des jaunes, des roses, des rouges, des verts. D’un peu toutes les couleurs.
— C’est pour un baptême ?
— Non plus.
— Pour une communion ? Un mariage ?
— Laissez tomber, Monsieur.
— Vous êtes trop jeune, encore, pour faire votre pot de départ à la retraite, n’est-ce pas ?
— Laissez tomber, vraiment, je vous prie, dit-elle, avalant un sanglot.

Embarrassé, le commerçant, trouvant la situation vaguement louche, lui vendit un lot de cent cartons de toutes les couleurs et eut heureusement la bonne idée de réprimer l’expression de deux dernières hypothèses explicatives qui lui traversèrent encore l’esprit.

« Allez, du nerf, ma cocotte ! » s’intima-t-elle. « Pas de quartier pour la tristesse ! » « Prends-toi par la main et en route ». Estelle n’était pas de celles qui ont l’habitude de s’écouter. Elle se parlait souvent à elle-même sans ménagement. Et elle sentait que trop de compassion envers sa petite personne en cet instant aurait pu la faire glisser très bas. Elle chassa ses pleurs intérieurs par un éclat de rire nerveux. Le rire s’élargit, se creusa, se déploya puis ce fut un fou rire. Un vrai fou rire, à gorge déployée. « Enfin, quoi… Qu’est-ce qui t’arrive ? Rien d’extraordinaire, somme toute, rien que de très banal, rien qui casse trois pattes à un canard. Allez, ouste, en avant ! » Un homme, appuyé à un arrêt de bus, surpris par l’irruption de ce rire intempestif dans son dos, se retourna un instant pour voir qui l’avait émis et aperçut une femme entre deux âges, visiblement émue, dont on n’aurait pu dire ce qui l’amusait tant et qui parlait toute seule les yeux levés vers le ciel comme si elle s’adressait à un interlocuteur par-delà les nuages.

Estelle entra dans le supermarché qui s’ouvrait face à elle, prit un grand caddie à l’entrée et se mit à parcourir les rayonnages. La voilà arpentant la zone dédiée aux sucreries et aux accessoires festifs : poches à douilles pour la pâtisserie, vermicelles multicolores en sucre, perles argentées, violettes confites et roses en pâtes d’amandes. Elle examina un à un tous les produits exposés sur les gondoles, fit son marché.

La caissière, la cinquantaine bien tassée, l’air blasé, avait vu défiler des centaines de milliers de caddies depuis qu’elle était caissière et plus rien ne l’étonnait. Elle en avait vu tant et tant qu’elle n’y prêtait plus attention. Et puis, au fond, tous les caddies se ressemblaient. Quelque chose, pourtant, attira cette fois son attention. Celui que poussait Estelle était rempli à ras bord de sucreries en tout genre, surtout des plus chimiques : des bonbons à foison, des durs, des mous, des opaques, des translucides. Carambars, guimauves et chewing-gums roses, malabars à bulles rivalisaient avec des packs de boissons cent pour cent pur sucre des plus discutables. Il y en avait pour toute une colonie de vacances. Ce qui frappait le plus, quand on regardait ce caddie, était le côté criard de l’ensemble : sur fond de rose bonbon, un jaune brutal jouxtait des verts électriques, des bleus néon ferraillaient avec du rouge automobile, de l’orange soda. L’air anxieux de la cliente et son regard perdu s’articulaient étrangement à ce fatras de douceurs et de couleurs artificielles qui s’amoncelait à présent sur le tapis roulant de la caisse. Quel drame secret pouvait donc bien se tapir au fond de ce caddie ?

Au moment de passer à la caisse et de payer, Estelle étouffa un cri. Son portefeuille ne se trouvait plus dans son sac à main. Ses mains se mirent à fouiller nerveusement chaque poche du sac, une fois, deux fois, puis les poches de son pantalon, de son manteau, après quoi elle finit par retourner le sac à main à l’envers et par en vider tout le contenu sur le tapis roulant pour être sûre de ne passer à côté de rien. Nulle trace, hélas, du portefeuille. Nulle trace de sa carte bleue. Et elle n’avait pas de chéquier sur elle. Elle avait pourtant bien pu payer les timbres puis les cartons un instant auparavant. Elle déroula le film des deux dernières heures dans sa tête et s’écria : « Alors ça, c’est malin ! Il fallait vraiment que ça m’arrive à moi, et aujourd’hui ? ».
— Je suis désolée, Madame, vraiment désolée mais… je ne peux pas payer. J’ai oublié mon portefeuille dans le dernier magasin où je suis passée.

L’agacement visible de la caissière, qui allait devoir remettre en rayon tout cet amoncellement de petits articles, céda visiblement la place à un élan de compassion. Il faut dire qu’Estelle était devenue livide et balbutiait vaguement des mots incompréhensibles. Il y avait dans cette histoire quelque chose qui ne tournait pas rond.
— Ne vous en faites pas, Madame. Il y a des jours, comme ça…
— Des jours comme ça… Vous avez raison. Oui, des jours, comme ça… Auriez-vous la gentillesse de garder mes achats sans les remettre en rayon, le temps que je revienne avec mon portefeuille ?
La caissière acquiesça d’un hochement de tête : « Si vous faites vite. ».
— Merci. C’est bien vrai, il y a des jours, comme ça…
Et, replaçant poignée après poignée l’amoncellement de sucreries dans le caddie, elle se mit à pleurer.
— À tout à l’heure, Madame.

Puis ce fut au tour de la pharmacienne de se poser des questions lorsqu’Estelle déclara vouloir acheter, en récitant sa liste à toute allure et d’une traite sans prendre le temps de respirer, une teinture-mère de millepertuis pour se requinquer le moral, des gélules de magnésium marin pour se détendre les nerfs, un hydrolat de valériane pour faire redescendre la pression, de l’huile essentielle de lavande à pulvériser sur l’oreiller pour retrouver le sommeil, des ampoules de ginseng rouge de Corée, le plus riche de tous en saponines, pour un effet coup de fouet contre un terrible coup de mou, un bidon de sève de bouleau à consommer en cure pour se débarrasser de toutes les toxines qui s’accumulaient dangereusement dans sa matière grise surchargée, une tisane de mélisse pour améliorer sa digestion, apaiser ses angoisses et ne pas craquer, des comprimés effervescents de vitamine C pour garder le cap – enfin, des pastilles d’ellébore à laisser fondre sous la langue pour se remettre les idées d’aplomb. La pharmacienne lui déconseilla formellement d’avaler tous ces remèdes d’un coup et lui conseilla d’essayer de prendre de la distance. Demander conseil à un vieil oncle avisé ou à n’importe quel ami bienveillant doté de bon sens lui semblait préférable. Elle lui suggéra de revenir le lendemain choisir quelques produits mieux ciblés quand elle se serait remise de ses émotions ou, si cela ne passait pas, d’aller consulter un médecin.

Il fallut encore une bonne heure à Estelle pour arriver au bout de sa traversée de l’Himalaya ce jour-là. Car, après avoir longuement tergiversé à la pharmacie où elle n’acheta finalement rien, elle se souvint qu’elle était censée retourner chercher son portefeuille à la boutique de photocopies, se tordit la cheville en route et manqua de se faire renverser par un autobus en traversant sans réfléchir alors que le feu des piétons était au rouge, au point qu’elle dut finalement se résoudre à s’asseoir sur un banc pour reprendre ses esprits.

Il y a des jours, comme ça, où on se croirait dans un film comique où s’enchaînent les gags de type tarte à la crème ou glissade sur peau de banane, à ceci près que dans la vraie vie, c’est tout sauf amusant : au terme d’une après-midi comme ça, où coups de malchance et actes manqués s’étaient succédé en cascade, elle ne savait plus ni qui elle était, ni comment elle s’appelait, encore moins d’où elle venait. Quant à savoir où elle allait… D’ailleurs, pourquoi s’était-elle donné le mal de mettre le nez dehors ce jour-là ? Pourquoi s’être embarquée dans cette galère ? Oui, pourquoi ?

***

« Arc-en-ciel : substantif masculin, adjectif invariable. Selon le dictionnaire, il s’agit d’un phénomène lumineux en forme d’arc que l’on peut observer dans le ciel après la pluie lorsque l’on tourne le dos au soleil et qui présente tout ou partie des sept couleurs du prisme (violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge) »

En cette fin de journée haletante, la nuit avait fini par tomber. Dans le grand calme du soir, penchée sur sa table de travail, un crayon entre les dents, Estelle couvrait une feuille volante d’une écriture nerveuse. À sa droite, un festival de stylos magiques s’étalait, de ces stylos qui écrivent en couleurs brillantes et pailletées tandis qu’une pile des cartons rectangulaires multicolores qu’elle avait achetés le matin s’élevait à la verticale. Pendant que sa main droite griffonnait le texte, sa main gauche grattait avec une insistance machinale le sommet de son crâne.

« Arc-en-ciel : substantif masculin, adjectif invariable. Selon moi : phénomène à haute teneur existentielle, toboggan métaphysique campé entre Ciel et Terre et vice-versa (N.B : l’idée du toboggan métaphysique est de Julio Cortázar, mon auteur préféré, pas de moi). 

C’est pourquoi je vous attends chez moi de pied ferme grimés comme pour un carnaval. Vous me ferez le plaisir de venir costumés en Pierrot blanc ou en Arlequin, à moins que vous n’arriviez drapés dans des toges psychédéliques ou en Peau d’Âne dans des robes couleur de lune, couleur soleil, couleur du ciel, de l’eau, de l’air, et surtout, aux couleurs du temps ! Version pantalon autorisée. Se présenter fagoté comme l’as de pique, la reine de cœur ou le valet de carreau est également possible. Votre frimousse ? Si vous ne vous voyez pas vous promener avec un gros nez rouge au milieu de la figure ou arborer la perruque éclatante de l’auguste, peut-être un élégant domino à sequins pourrait-il rehausser votre tenue d’un séduisant halo de mystère… Et n’oubliez pas d’apporter vos souliers usés pour le bal.  »

Relisant les deux derniers paragraphes et se grattant de plus belle le crâne, elle se dit que le lien logique entre les deux serait à retravailler, puis qu’une transition sibylline aurait tout compte fait le mérite de renforcer l’effet de suspense.

« Smarties et Chamallows à gogo, nounours en gélatine à volonté. Il y aura du Coca-cola, croyez-moi, et des sodas bourrés de sucre, débordant de calories et de colorants. Oui, vous m’avez bien lue – côté régressif et parfum d’enfance pleinement assumés. Il y aura aussi du vin rouge et du vin blanc, du champagne, rassurez-vous, et tous types de cocktails. Pas de panique, cependant : gueule de bois vite résorbée grâce au régime détox du lendemain, avec cure de smoothies de légumes verts multivitaminés pour un redémarrage en force, aussi enthousiaste qu’énergique. »

Mâchonnant hargneusement le stylo coincé entre ses dents, sourcils froncés, Estelle cherchait des mots percutants pour exprimer sa pensée.

« Certains voient le verre à moitié vide. Personnellement, je fais le pari de le voir à moitié plein et vous invite à faire de même. »

« Hum… » songea-t-elle, laissant échapper le stylo d’entre ses dents.

« Je disais donc que l’arc-en-ciel était un toboggan. Un toboggan reliant la terre où germe en secret la graine au firmament radieux (ou, au choix, au gouffre intersidéral sans fond, vide, noir, glacial, dans lequel flottent, éparses, des poussières de corps célestes, où passe parfois une étoile filante) – question de point de vue : vous savez, la fameuse histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein.  »

« Suspense insoutenable ! », jubila-t-elle.

« Ce toboggan peut être droit et monter là-haut en flèche ou bien se présenter bombé et s’enliser allez savoir où. Qu’importe : à mi-chemin, la vue est impressionnante. Où que se tourne le regard, droit devant, vers l’arrière, sur les côtés, on surplombe un panorama d’une profondeur vertigineuse qui vous saisit jusqu’à la moëlle. "Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie", déclarait certain philosophe anxieux. De quoi se sentir aussi minuscule qu’un pauvre point, un insignifiant tout petit point perdu entre deux néants – ou, sait-on jamais, faisant face à l’infini (encore ce fichu verre à moitié vide ou à moitié plein…) 

Le lien avec Arlequin et les Smarties ? me demanderez-vous.

Eh bien, les amis, c’est que je vous invite à une fête, pardi ! À la fiesta du siècle, car je fête mes 40 ans. Vous savez, le fameux cap de la quarantaine, l’étape incontournable de mi-parcours qui vous donne le tournis, qui vous met tout nu face aux questions décisives. Cela fait quarante ans que vous êtes sortis du ventre d’une femme et, à en croire les statistiques, il vous en reste encore quarante autres avant de vous en aller manger les pissenlits par la racine au sein de la glèbe féconde. Et rappelez-vous que le temps file de plus en plus vite... si bien que c’est presque déjà le début de la fin. Alors, venez donc vous étourdir, venez vous divertir, tout oublier, l’espace d’une folle soirée : j’ai besoin d’un gros coup de pouce festif en votre rassurante compagnie pour aborder la quarantaine rugissante sans crise excessive et du bon pied.

Venez rire, venez faire les fous chez moi, venez vivre une expérience unique si ce n’est mystique le samedi 15 novembre 2018 à un inoubliable carnaval d’anniversaire grisant de couleurs, pétillant, scintillant, tourbillonnant à dos d’arc-en-ciel. Nul bad trip possible, rassurez-vous. Vous ne regretterez pas d’avoir fait le voyage, foi de jeune quadra !  »
Ayant dix fois tout relu, tout approuvé, la mine résolue et un sourire naissant à la commissure des lèvres, Estelle recopia d’une main assurée ce texte d’invitation sur chaque carton. Il y en avait plus de trente. La nuit y passa en entier puis, peu avant l’aurore, elle s’endormit d’un sommeil de plomb. Les cloches du dimanche et un grand soleil entrant à flots par la fenêtre la tirèrent du lit.

« Allez, ma cocotte ! Hors du lit ! Debout ! Et que ça saute ! » s’intima-t-elle vigoureusement. « Un bon coup de pied aux fesses et en selle ! Allez, zou ! Place à l’avenir : tant de nouvelles aventures t’attendent ! Ta deuxième vie – et qui donc te dit que c’est la dernière ? – ne fait que commencer. »

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